Prologue - Living the Dream

[Phoebus Carlstein]

[Suggestion de musique d’ambiance: Prologue - Phoebus]

*Phoebus Carlstein ne l’aurait jamais avoué à personne, même sous la torture, mais il redoutait la terre ferme comme certains détestaient les hauteurs. Hors de son X-M26 modifié, victime de la gravité, il se sentait prisonnier de son propre corps, tanguant maladroitement sur ses jambes comme s’il n’était jamais parfaitement en équilibre, trébuchant souvent en s’enfargeant les pieds dans tout et n’importe quoi. Sa maladresse en avait fait rire plus d’un, bien sûr. Ce n’était pas particulièrement convenable pour un soldat, après tout, d’être aussi gauche, mais ses exploits lors des entraînements et sur le champ de bataille lui valurent bientôt le respect de ses pairs comme de ses supérieurs. Bien qu’il n’était pas rare de voir un Major de son âge dans la Promethean Air Force, il aurait pu monter en grade plus rapidement encore si ça n’avait été de son attachement à son escadron - composé de ses plus vieux et fidèles amis de l’Académie - et de sa tendance à tenir tête à ses supérieurs et à répliquer avec sa “grande gueule”.

Lorsqu’il n’était pas en mission, donc, Phoebus préférait s’entraîner, relaxer tranquillement chez soi ou, à l’occasion, aller prendre un verre avec ses compagnons de la PAF. Ce soir-là, il était plutôt lâchement évaché sur son divan, devant une reprise d’un récent match sportif qu’il avait manqué à cause de ses fonctions. Malgré lui, le plus jeune des Carlstein émit un léger rire: il n’avait rien du soldat modèle, et pourtant on l’avait contacté pour qu’il fasse partie du Rupture Project, dont la mission était aussi dangereuse que palpitante et qui, normalement, ne rassemblait que les Prométhéens les plus brillants ou les plus loyaux. Rien ne remettait en doute sa loyauté, bien sûr, mais le jeune pilote ne se serait jamais, au grand jamais, décrit comme “brillant”. Physiquement en forme, oui. Séduisant, assurément. Intelligent? Pas vraiment. Phoebus reniffla doucement, passa une main dans ses cheveux et se frotta les yeux avec ses doigts en soupirant. Juste le fait de trop y réfléchir lui donnait mal à la tête. En fait, il était certain que l’abus de réflexion était mauvais pour la santé.

Le bruit de la sonnette de son appartement le sortit de sa torpeur et, après un vague “Give me a minute!”, Phoebus s’empressa d’enfiler une paire de pantalons qui traînait par terre en se dirigeant vers la porte d’entrée, lançant un regard rapide à son chrono au passage. Sa soeur, Iris, ne pouvait vraisemblablement pas être aussi d’avance, si? Et lui qui ne s’était même pas changé encore. Iris le lui reprocherait en blaguant, assurément. Le jeune homme passa une main dans ses cheveux pour s’assurer d’être au moins légèrement présentable, rajusta ses pantalons et son t-shirt, chassa d’un coup de pied une paire de sous-vêtements gisant sur le sol afin de les dissimuler sous une table basse, puis se racla la gorge en ouvrant la porte. À son grand soulagement, c’était Seth Mentel, son second, qui se trouvait de l’autre côté.*

S: Hey Sunshine…! You busy right now?

*Phoebus salua son meilleur ami avec un grand sourire, mais, avant qu’il ne puisse lui répondre quoi que ce soit, son compatriote se dressa sur la pointe des pieds et pencha légèrement la tête sur le côté pour regarder à l’intérieur de l’appartement de son supérieur, les sourcils froncés, un léger sourire moqueur sur les lèvres. Carlstein connaissait si bien son ami qu’il aurait pu prédire ce qu’il allait dire avant même qu’un mot ne s’échappe de sa bouche.*

S: What the hell happened to your appartment, dude? Did you have an orgy without inviting me? Again?
- Yep. But I videoed everything so you could enjoy it all the same. Dumbass.

*Seth, qui était de nature moqueuse en général, pouffa de rire pendant que son ami d’enfance le poussait vaguement, faussement découragé. C’était leur rituel lorsqu’ils n’étaient pas en fonction, après tout. Seth et Phoebus avaient toujours été inséparables, se suivant l’un et l’autre dans leurs diverses expériences lorsqu’ils n’étaient que des cadets à l’Académie, mais s’insultaient et se moquaient sans cesse l’un de l’autre en guise de témoignage d’affection. Lorsqu’ils étaient sur le terrain, bien sûr, leur relation paraissait beaucoup plus professionnelle qu’elle ne l’était, mais une fois leur uniforme enlevé, ils redevenaient les deux comparses qu’ils avaient toujours été, malgré le passage du temps et les écueils auxquels ils devaient faire face, année après année. Et lorsqu’ils prenaient un verre, c’était encore pire: on ne pouvait absolument pas les séparer l’un de l’autre alors qu’ils criaient des insanités ou entonnaient des chansons grivoises de leur propre invention. Phoebus avait une confiance aveugle en Seth et lui racontait tout, même (et, peut-être, surtout) ce qu’il n’osait pas raconter à sa propre soeur, avec qui il avait pourtant une relation profonde. Seth avait toujours été tout simplement… différent des autres, à ses yeux. Son second finit donc de rire, puis donna un coup de menton en sa direction, les yeux légèrement pétillants, son petit sourire caractéristique au coin des lèvres.*

S: What are you up to, tonight, assface? Wanna grab a drink with me and the boys? It’s to celebrate last mission’s success! Come on, you can’t miss that!

*Phoebus émit un petit rire, toujours en mesure de voir en détail le repaire d’Insurgés exploser en mille morceaux devant ses yeux comme si la mission venait tout juste d’avoir lieu. Aucune victime de leur côté et aucun survivant du côté des rebelles; c’était pratiquement trop beau pour être vrai. Ou trop facile, plutôt. Mais ça lui était égal, dans le fond. L’important était que son équipe était saine et sauve, qu’aucune vie inutile n’avait été sacrifiée dans le processus et qu’au moins une partie de ces foutus rebelles avait brûlée vive dans son nid comme des insectes pris au piège. Il ne comprenait pas pourquoi certains Prométhéens se rebellaient contre leur gouvernement, qui pourtant faisait tout en son pouvoir pour aider les habitants à survivre et à se développer malgré la Famine. Mais apparemment, certaines personnes n'étaient jamais satisfaites. Là où l’ordre régnait apparaissaient toujours des anarchistes amoureux du chaos. C'était donc son devoir, en tant que membre de la Promethean Air Force, d’éliminer cette racaille. Malheureusement, son rôle dans le Rupture Project l'éloignerait de plus en plus de ces missions de routine, de Seth et du reste de son équipe. Le major soupira vaguement, puis croisa les bras en s’accotant contre le cadre de sa porte d’entrée d’un air nonchalant.*

- Nah… I have to pass, dude. I was actually about to jump in the shower… A few seconds later and you would have caught me in my birthday suit.
S: Wouldn’t be the first time I’ve seen your ass, Carlstein.
- Ugh, don’t remind me, Mentel.

*Phoebus et Seth éclatèrent de rire et secouèrent la tête presque en harmonie comme s’ils étaient revenus, l’espace d’un instant, au temps où ils habitaient tous deux le même dortoir à l’Académie et où ils passaient des nuits blanches à faire des mauvais coups où à boire en cachette, se réveillant le lendemain dans de drôles de positions, à moitié nus mais avec le mal de tête le plus complet qui soit. Ils avaient par contre grandi, maintenant, et leurs rôles et responsabilités les forçaient à se fréquenter moins souvent. Et ce n’était pas de gaité de coeur. Seth mit ses mains dans ses poches et ramena son compagnon à la réalité en reprenant la parole d’un air étonnamment sérieux, presque déçu, ce qui fit sourciller Phoebus.*

S: So what’s keeping you from a boys’ night out, exactly, Sunshine?
- The sister. It’s been a while and… Yeah, so-
S: Oh! Iris, eh?

*Le sourire avide de Seth s’élargit tellement qu’il lui montait presque jusqu’aux oreilles. Phoebus, lui, leva les yeux au ciel, sachant très bien quelle direction la conversation prendrait en voyant l’expression de son ami.*

- Yeah. And no, you can’t come with.
S: She still hasn’t forgiven me, huh?
- I don’t think she’s ever going to, dude.
S: Oh, come on! It wasn’t that bad!
- Yes it was! You showed her your-...
S: Alright! Alright! So it was bad! Whatever! I mean, she’s never heard of “water under the bridge”? Maybe she doesn’t even remember.
- Oh, she remembers alright.
S: Heh. You’re just saying that.
- She talked about it the other day.
S: Really?
- Yes. I think she didn’t know whether to laugh, puke or cry.
S: Now that’s just mean.

*Phoebus pouffa de rire en regardant l’air faussement insulté de Seth, qui le poussa légèrement sur l’épaule en retour. Son ami recula ensuite, les mains de nouveau dans les poches, comme pour faire signe qu’il devait commencer à s’en aller.*

S: I’ll let you prep you up then, Carlstein. Wouldn’t want to disappoint the sis, now, would we?
- Yeah, yeah…
S: Give her a big wet kiss from me, a’right?
- Ew? She’s my sister, dumbass! Also, fuck you.
S: In your dreams, Sunny.

*Seth entama son départ, descendit ses pantalons pour “mooner” [HJ: dans le sens de “montrer ses fesses” là? Ya pas d’expression en français pour ça apparemment XD] son comparse en guise de salutation (ce à quoi Phoebus répondit par un hochement de tête découragé et un rire silencieux, n’osant pas répliquer avec quelque chose de plus grossier dans son propre voisinage même s’il aurait très bien pu), puis remonta le tout en poursuivant sa route le long du couloir, abandonnant son ami qui refermait la porte de son appartement. Le pilote s’étira longuement, lâcha un gros pet, puis se dirigea nonchalamment, mais le sourire aux lèvres, vers sa salle de bain pour aller se doucher avant que sa soeur ne vienne le rejoindre. Bien qu’il aurait aimé suivre Seth et aller prendre un verre avec son escadron, il considérait les soirées avec sa soeur comme sacrées, celle-ci étant la seule véritable famille qu’il ait connue au cours de sa vie. Il ne lui disait pratiquement jamais qu’il l’aimait (ça aurait été beaucoup trop sentimental et il aurait pu passer pour une mauviette), mais il ferait tout pour elle et Iris voyait trop bien à travers son jeu de bouffon insouciant pour ne pas s’en rendre compte. Bref, Phoebus avait une soeur en or, un second sur qui il pouvait compter et des amis qu’il appréciait par-dessus tout. Il appartenait à la Promethean Air Force, qui était tenue en très haute estime. Et maintenant, il faisait partie du Rupture Project, peu importe ce que cela impliquerait dans l’avenir. Sous l’eau chaude et réconfortante de la douche, le major se permit un large sourire satisfait. Phoebus Carlstein n’aurait pas pu rêver d’une meilleure vie.*