Prologue - Self-control

par Madeleine Descharentes Mar 3 Fév 2015 - 15:43

Suggestion de musique d'ambiance - Prologue Madeleine

*Ne rien laisser paraître. Rester calme. Attendre. Trois choses que Madeleine avait appris à maîtriser depuis bien longtemps. Bon, si elle était honnête, elle avouerait que la patience était loin d’être sa première qualité, bien au contraire. Elle détestait perdre son temps, et surtout, que quelqu’un soit à l’origine de la perte de ses précieuses minutes. Et le Vérificateur assis devant elle semblait bien décidé à tester sa patience jusqu’au bout.

Elle était assise face à lui, en silence, depuis maintenant près de quinze minutes. Un grand bureau de verre les séparait, et le Vérificateur lisait ce qui semblait être son dossier sur l’écran de verre tactile intégré au bureau. Comme il semblait effectué son métier depuis longtemps - façon polie pour dire qu’il semblait plutôt vieux – Madeleine aurait cru qu’il aurait pris le temps de lire les fiches AVANT le Contrôle. Et comme si ce n’était pas assez, son débit de lecture était d’une lenteur pénible.

Ennuyée, la jeune femme ne put retenir un long soupire impatient qui eut pour effet d’attirer le regard du Vérificateur qui pencha légèrement la tête sur le côté.*

V : Quelque chose ne va pas, Mademoiselle?
- Oh, je me disais seulement que j’étais là depuis un moment déjà, et que vous n’aviez probablement pas toute la journée à m’accorder.

*Elle le gratifia d’un faux sourire laissant transparaître le sarcasme de son commentaire, qui n’attira aucune réponse du fonctionnaire qui se remit immédiatement à la tâche. La blonde reprit son air impassible, qui servait davantage à cacher son stress que son impatience, et se replaça lentement sur son fauteuil afin d’être plus confortable.

Elle avait beau essayer de se convaincre que le Contrôle était une inspection de routine et qu’elle n’avait pas à s’en faire, rien n’empêchait son pouls d’accélérer et ses mains de devenir moites. Il était toujours anxiogène de se retrouver devant un Vérificateur, d’autant plus que cette fois, le Contrôle aurait un impact direct sur son avenir. De plus, elle connaissait elle-même son dossier. Elle savait très bien qu’il y trouverait des notes sur sa curiosité, sa tendance à questionner, à défier l’autorité. Même s’Ils avaient fait disparaitre ses traits chez elle, elle n’était pas dupe. Elle savait très bien que lorsqu’on était fiché, on l’était pour la vie. Personne ne voulait être fiché.

Madeleine savait bien qu’elle n’avait rien d’extraordinaire. Est-ce qu’elle avait été une citoyenne modèle avant son Raffinement? Peut-être pas. Certes, elle ne s’était jamais bien mêlée aux autres, ou à la société en général et encore aujourd’hui, trois ans après le Raffinement, elle n’avait que peu d’amis et préférait les bouquins et la solitude à la vie mondaine vivaient la majorité des Illimiens. Elle n’aimait pas se conformer, mais elle n’aimait pas non plus détonner. Les quelques notes à son dossier étaient probablement dérangeantes, mais pas problématiques. Pas comme les Irréguliers.*

V : Pourquoi êtes-vous ici, Madeleine?
- Pour mon Contrôle.

*Madeleine regarda avec plaisir le Vérificateur soupirer à sa réponse. Il l’avait fait patienter, alors elle avait bien le droit de lui rendre l’appareil, non?*

V: Laissez-moi reformuler. Pourquoi avez-vous demandé à être contrôlée aujourd’hui, alors que vous n’auriez dû l’être que l’année prochaine?

*Depuis un mois, dès qu’elle avait annoncé sa décision de demander son Contrôle près d’un an avant la date prévue, la blonde avait dut répondre à cette question au minimum une quinzaine de fois. Après la cinquième fois, elle avait déjà cesser d’essayer de se justifier, et ne répondait que machinalement afin de ne pas inciter ses interlocuteurs à poser d’autres questions.*

- Tout simplement parce que je veux commencer ma vie, trouver un emploi, penser à mon avenir.

*«Plutôt que de ne servir à rien comme tous les autres», acheva-t-elle dans sa tête. Pendant toutes les années de son enfance et de son adolescence, on avait préparé Madeleine à la vie en tant que citoyenne d’Illimis. On lui avait venté la beauté de la ville et de son fonctionnement. On l’avait sermonnée sur les mauvaises habitudes de vie. On l’avait avertie des règles pour assurer le bon développement de la ville et du peuple. On l’avait mise en garde contre la lâcheté et le manque d’implication. On lui avait expliqué que chaque personne avait sa place, et que si tout le monde suivait les règlements et s’occupait à sa besogne, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais personne ne l’avait préparée à l’ennui mortel et à la déception qu’engendreraient les premières années suivant le Raffinement.*

V : Vous savez, mademoiselle, que de sacrifier sa dernière année de Repos est très inhabituel.
- Oui, on s’est fait le plaisir de me le rappeler, plusieurs fois. J’ai terminé mon Repos, et je désire commencer ma vie.

*Le Repos n’était rien de ce que Madeleine s’était imaginé. Après le Raffinement, on lui avait fourni un appartement et les moyens pour vivre sans travail, pendant quatre ans. Il s’agissait du cheminement normal pour tous les citoyens. Le Gouvernement laissait quelques années pour s’acclimater à l’opération, à la ville et pour avoir un maximum de plaisir avant le début d’une vie adulte, d’une vie de responsabilités. Tous les Imparfaits convoitaient ses quatre années de plaisir et de liberté qui leurs étaient promises, à condition d’avoir été sages, bien entendu.

La première année avait été intéressante pour Madeleine, qui avait découvert avec joie ses nouveaux talents. Elle avait pu, en moins d’un mois, lire une section complète de la Grande Bibliothèque de Sapientia, apprendre plus de choses qu’elle n’avait pu le faire pendant les vingt-et-une premières années de sa vie, goûter à la gastronomie Illimienne, en plus de dizaines d’autres nouvelles choses. Mais une fois sa curiosité rassasiée, le temps commença à lui paraître affreusement long. Elle ne prenait pas de réel plaisir à faire la fête avec ses amis, ou à perdre son temps à la plage, comme la plupart des autres femmes de son âge. Si ses activités rimaient vraiment avec plaisir, elle préférait de loin commencer à travailler maintenant. Deux ans auparavant, lorsqu’elle avait parlé de ses intentions avec ses parents, ceux-ci lui avait très fortement conseillé de garder ses pensées pour elle, et de continuer son Repos jusqu’à la fin. Ne voulant pas trop attirer le regard des autorités, Madeleine s’était résignée à continuer de perdre son temps en compagnie de gens qu’elle trouvait généralement vide et insipide, à l’exception de ceux qu’elle considérait comme ses amis – qui étaient très peu nombreux, d’ailleurs.

Le Vérificateur prenait un temps fou à répondre à ce qu’elle lui avait répondu. Est-ce que tous les Vérificateurs étaient aussi lents, ou voulait-il vraiment tester sa patience?*

V : Et vous désirez enseigner?
- Oui. J’ai beaucoup de connaissances, et je ne vois pas vraiment ce que je ferais d’autre.
V : Mais avez-vous envie d’être enseignante?

*La blonde soupira légèrement en entendant la question du Vérificateur. En toute honnêteté, elle n’avait pas envie de grand-chose, mais elle préférait de loin passer du temps avec les Imparfaits qu’avec les gens de son âge qui l’exaspéraient. Cependant, elle savait bien qu’elle ne pouvait pas réellement répondre quelque chose du genre pendant son Contrôle.*

- Oui. C’est ce que je veux.

*Lorsque le Vérificateur baisse à nouveau les yeux sur son écran, Madeleine se pencha légèrement vers l’avant dans l’espoir de jeter un œil à ce qu’il lisait. Elle n’eut le temps que de lire trois mots avant qu’il parle à nouveau, la faisant légèrement sursauter.*

V: Vous avez la tête de l’emploi, cela va sans dire, mais travailler à Nebula implique de grandes responsabilités.
- Je ne suis pas sure d-
V : Vous voyez, Madeleine, si nous vous accordons l’emploi, vous deviendrez un modèle à suivre pour les futurs citoyens et citoyennes, un de leur seul contact direct avec la vie à Illimis. Cela implique qu’il faut que votre image soit parfaite, et que votre influence sur eux le soit également. Vous comprenez?
- Très bien, mai-
V: Il va de soi que vous aurez à recevoir une formation stricte que vous devrez appliquer à la lettre, et respecter l’autorité.

*Ah ha. Voilà où il voulait en venir.*

- Je suis très consciente de ce qu’un travail implique, monsieur.
V : Oh, je n’en doute pas. J’espère que vous ne m’en voulez pas d’insister, et de vérifier. Après tout, c’est mon travail.

*Madeleine s’éclaircit légèrement la voix en voyant le sourire froid que lui faisait le Vérificateur. Une impression de d’hypocrisie et de malhonnêteté se dégageait de lui, et provoquait un sentiment d’inconfort chez la jeune femme.*

V : Nous allons analyser votre demande, et nous vous reviendrons rapidement avec notre décision.

*La blonde fronça les sourcils en voyant que le Vérificateur semblant sous-entendre que le Contrôle était terminé, espérant qu’il ne l’avait pas fait déplacer que pour trois ou quatre malheureuses questions.*

- C’est tout?
V: Oui, c’est tout. À moins que vous ayez quelque chose à rajouter, mademoiselle?

*Madeleine prit une grande et subtile inspiration avant de se lever tranquillement de son siège, sachant qu’elle faisait bien mieux de retenir ses commentaires si elle voulait que sa demande soit traitée rapidement, et positivement.*

- Non, rien. Je vous remercie de m’avoir reçue.

*Elle regarda le Vérificateur se lever et contourner son bureau pour l’escorter jusqu’à la porte. Après avoir fait ses remerciements une dernière fois, Madeleine quitta le bureau, sans se douter toutes les informations que les caméras et les capteurs avaient pu enregistrer pendant con Contrôle.*