Prologue - Deadline

[Thalia Skyline]

[Suggestion de musique - Prologue Thalia]

* “Doctor Skyline.” Une pause. “Thalia?” La voix était si faible que Thalia se demanda si elle était vraiment réelle. Il fallut encore trois autres tentatives et une légère poussée sur le bras pour que la scientifique se rende compte qu’elle s’était endormie sur son bureau et que son assistante tentait de la réveiller. Elle ouvrit lentement les yeux, non sans effort, et se redressa tranquillement en soupirant.*

H: Hard night?
- You have no idea.

*Sa voix était fatiguée. Son corps était fatigué. Les dernières semaines au Centre de Recherche lui coûtait son sommeil et sa santé mentale. La docteure s’éclaircit légèrement la voix afin de la désenrouée, puis regarda sa montre qui indiquait 9 :13.*

H: Well, the mess on your desk and your face gives me a vague idea.

*Thalia fronça les sourcils en entendant le commentaire de son assistante, soudainement inquiète de son apparence. Elle se redressa un peu rapidement et se tourna sur sa chaise pivotante – la plus confortable qu’elle n’est jamais eu, d’ailleurs – afin de regarder son reflet dans la vitre qui séparait son bureau de celui d’un collègue. Elle soupira en voyant l’image que lui renvoyait le verre.

Les cicatrices sur son visage étaient rarement sujet à plaisanterie. En fait, très peu de gens osaient en parler, malgré le fait qu’elles étaient très apparentes. Thalia reconnaissait toujours un certain malaise, une curiosité et parfois un dégoût dans le regard des gens lorsqu’elle les rencontrait pour la première fois et qu’ils prenaient connaissance des marques qu’une explosion dans un laboratoire avait laissées sur son visage à jamais. Ce regard, elle l’avait vu maintes et maintes fois dans le miroir pendant les mois suivants l’incident. Aujourd’hui, les cicatrices – physiques et psychologiques – de l’explosion s’étaient refermées et estompées. Son reflet ne l’horrifiait plus. Il lui arrivait tout de même parfois de se réveiller en sursaut, la nuit, lorsque des images de feu, de verre et de sang hantaient ses rêves. Mais aujourd’hui, elle acceptait que tout cela fasse partie d’elle.

Elle pouvait même en rire, et Hera, son assistante, ne manquait pas une occasion de se moquer de la scientifique, de quelque façon que ce soit. *

- Ha ha, very funny.
H : Thank you, I think so too.

*Thalia frotta légèrement ses yeux fatigués, puis son cou endolori. Encore une fois, elle avait travaillé toute la nuit jusqu’à s’épuiser avant de s’endormir sur son travail. Elle ne se souvenait pas de la dernière nuit reposante qu’elle avait passée.  Ses patrons et les dirigeants du projet Rupture ne cessait de réduire les délais et d’augmenter leurs attentes. Elle en avait plein les bras.*

H : I will fetch you some coffee, but you’ll have to drink it fast. You have an appointment with Subject 21 in fifteen minutes.
- Thank you Hera.

*Il fallut cinq minutes à l’assistante pour revenir avec une grande tasse de café bien noir, et quinze autres minutes à Thalia avant d’arriver dans la salle d’examen où l’attendait le Sujet 21. Les tests furent longs et rigoureux, comme toujours. La docteure examina son patient sous tous les angles possibles; forme physique, antécédents de maladie, habitudes de vie, allergies, santé mentale, anomalies génétiques. Elle lui posa toutes les questions qu’elle connaissait et nota les évolutions et changements importants survenus depuis leur dernière rencontre. Les examens mensuels sur les patients étaient la partie la plus ennuyante du travail de Thalia, selon elle. Ils étaient répétitifs et apportaient peu d’avancement à la science. Elle considérait son temps bien mieux utilisé lorsqu’elle était en laboratoire, ou qu’elle pouvait travailler sur ses recherches. Mais travailler pour le gouvernement – et donc être financé par celui-ci – apportait un lot d’exigences qui ne faisait pas toujours le bonheur de la scientifique et de son équipe. Elle avait bien essayé de délégué la tâche des bilans de santé à un ou une collègue, mais le Général Turrik, à qui elle répondait directement, avait spécifié qu’elle devait elle-même effectuer le travail et rendre les comptes.

Une fois l’examen terminé, après près de trois heures, Thalia sortit de la salle avec le Sujet 21 en le remerciant de sa patience, et marcha avec lui pour le raccompagner dans le labyrinthe qu’étaient les couloirs de la faculté. De plus, elle devait rejoindre le Général afin de lui faire part de ses notes. Le Sujet 21 était un jeune homme d’apparence début vingtaine, grand, musclé et athlétique. Il parlait peu et était très obéissant, mais contrairement à certains autres sujets qu’elle avait examiné, 21 était plus souriant, et plus poli. S’il ne parlait pas beaucoup, il s’informait sur la docteure, probablement plus par formalité que par réel intérêt. Néanmoins, Thalia appréciait le fait de répondre à des questions et de ne pas être la seule à en poser, pour une fois.

Après plusieurs tournants et portes automatiques, ils s’arrêtèrent ensemble devant une grande porte métallique marquée par l’enseigne Phoenix. Thalia posa sa main sur le lecteur d’emprunte et attendit. Le scan déverrouilla la porte qui s’entrouvrit par elle-même. Docteure et patient continuèrent leur marche jusqu’à ce qu’ils croisent le Turrik, debout sur la passerelle vitrée qui surplombait une gigantesque cafétéria grouillante. Le Général jeta un rapide coup d’œil à l’insigne brodé sur l’uniforme du Sujet 21 avant de s’adresser à lui sans le regarder.*

T : Back to your day, 21.
S21: Yes, sir.

*21 fit un rapide salut militaire avant de remercier la docteure et de la laisser en compagnie du Général. Ce dernier retourna ensuite dans sa contemplation de la cafétéria et des sujets qui s’y trouvaient. Il attendait, visiblement qu’elle lui fasse son rapport.

Thalia n’aimait pas particulièrement Turrik. Il était froid, obstiné et écoutait peu ses recommandations qui, selon elle, devraient être suivies à la lettre. Elle était la scientifique, après tout. Mais sur Prométhéum, contrairement à Pandora, l’avis militaire prévalait toujours sur le reste. Thalia était accessoire. Un outil utilisé pour la grande mission martiale. La scientifique ne se laissait pas décourager pour autant par cette vérité. Elle travaillait chaque jour à la sueur de son front – ou plutôt, de son cerveau – et donnait le meilleur d’elle-même afin de changer les choses, de redonner à Prométhéum sa splendeur d’antan. C’est pourquoi elle était totalement dévouée au Projet Phoénix, malgré qu’elle le trouvait légèrement ennuyeux.*

- They are not ready.
T : They should be. We need them. Now.
- Now is not a good time. The physical progression is slow. Not all the Subjects are responding the same way.
T: This was your task to make sure that they would evaluate together at a steady pace. We need an army, soldiers. You were supposed to give us a whole.
- If you would have listen to my recomm-
T: You have a month.

*Thalia, qui était occupée à regarder les sujets au sol, se retourna et regarda le Général pour la première fois depuis qu’elle était près de lui, le visage empreint d’étonnement. Elle avait l’habitude des dates limites impossibles, mais dans ce cas-ci, le Général dépassait les limites.

- A month?! You can’t be serious. I have been working on Phoenix for the past 10 years. I can’t wrap it up in a month!
T: You can, and you will. This is an order.
- I am not one of your soldiers, I don’t take orders from you.

*L’étonnement sur le visage de Thalia fit rapidement place à la colère, et elle regretterait probablement plus tard de ne pas penser à mâcher ces mots avant de parler.*

T: You do, if you want to keep your job and your precious researches.
- I can’t make them ready in a month.
T: Do it, or we will find someone else to do it. I don’t care how you do it, but I will have my army in a month.  Don’t disappoint me, Skyline. Or else.

*Sans laisser le temps à la scientifique de répliquer, Turrik lui tourna le dos et s’éloigna pour mettre fin à la conversation, laissant dernière lui une docteure au visage légèrement rouge de frustration, les dents serrées.  Elle ne quitta le Général des yeux que lorsque celui-ci disparu de son champ de vision, puis baissa le regard sur la cafétéria. Elle resta plusieurs minutes, pensive, à réfléchir aux solutions qui lui permettrait de préparer une armée de 100 000 clones en un mois.*