Prologue - Good Gold Makes Good Friends

[Lenora B. Voghan]

[Proposition de musique d'ambiance - Prologue Lenora]

*Northenheim. Capitale de l’argent et de la débauche. Ville rouillée qui hébergeait travailleurs honnêtes et aristocrates corrompus. Les gens qui y vivaient, ou qui y séjournaient, étaient d’ailleurs aussi bruyants que les machines à vapeur, cœur artificiel de la grande Ville-État. Lenora exécrait Northenheim. L’odeur et le goût du mélange entre la rouille et l’essence lui donnait toujours envie de vomir. C’était encore pire lorsque, comme aujourd’hui, elle revenait de parcourir les mers et avaient passé plusieurs mois à ne respirer que l’air salée des océans. Les prix du marché noir et le whisky de la Longue-Vue étaient ses seules raisons de revenir dans la capitale. Elle préférait de loin faire face aux tempêtes océaniques et aux monstres marins qu’aux marées de gens et de pillards de la ville. Debout derrière le gouvernail, Lenora pencha la tête vers l’arrière afin de profiter des rayons du soleil qui réchauffait son visage, sachant qu’ils se feraient rares pour les prochains jours.

Une fois l’ancre jetée, Lenora sauta par-dessus bord et atterrit sur les lattes du quai en bois dans un sourd bruit métallique alors que les objets attachés aux différentes sangles et ceintures se frappèrent entre eux, ou sur elle. La pirate se redressa rapidement et jeta un coup d’œil à son navire, le Enterprise, qui était maintenant libéré de tout passager. Bien que petit en comparaison à la majorité des aéronefs d’Iluvies, le bateau flottant n’en était pas moins impressionnant et apportait une grande fierté à sa capitaine qui était toujours peinée de devoir le laisser au port pour son entretien régulier. Entretient plus que nécessaire suite à la rencontre entre l’équipage et un encornet aussi vicieux que géant. Pressée par le temps, la capitaine regarda sa montre de poche, qu’elle chérissait presque autant que son bateau, avant de lancer une petite bourse à Collins, son maître d’équipage, et le chargea d’attendre l’équipe d’entretien et la livraison de marchandise. Visiblement mécontent, Collins s’assied sur l’une des caisses de cargaison en grommelant alors que les autres s’éloignaient, impatients d’avoir un peu de temps libre, en se moquant. Sans attendre, Lenora quitta à son tour le quai en soupirant, n’ayant pas vraiment le cœur à rire avec les autres.

Accompagnée de Boleyn, son intendant, la Capitaine s’engouffra dans les Ruelles de Tournacier en maudissant à voix haute son acheteur d’avoir choisi un lieu de rendez-vous dans le quartier le plus malfamé de toute l’île. Point positif ; les Ruelles étaient très peu fréquentées. Il n’y avait pas vraiment de sécurité et la population générale n’osait jamais s’y aventurer. Il s’agissait donc d’un endroit idéal pour effectuer une transaction illégale, comme elle était sur le point de le faire. Point négatif ; tous les truands qu’elle pouvait y croisés voulaient probablement sa peau pour la simple raison qu’elle était de connivence avec l’Alliance Marchande. C’est donc la tête basse, et dans l’ombre le plus possible, que Lenora allait dans les ruelles puantes, évitant de croiser les regards. En temps normal, elle ne baisserait jamais la tête devant un défi et ne se laissait pas toucher par les commentaires des autres, mais dans les allées de Tournacier, elle risquait beaucoup plus que de simples insultes à se faire reconnaitre. Elle était fière, mais pas suicidaire.

Il leur fallu plusieurs minutes à déambuler dans les rues sombres avant de finalement trouver l’enseigne de l’Astrolabe Grinçant. De l’extérieur, Lenora pouvait entendre rires et cris venant de la taverne, annonciateurs d’une célébration qui semblait déjà amorcée depuis longtemps, si elle en croyait les voix ivres qu’elle percevait. Une main sur la poignée, la blonde se retourna vers son second, cherchant son regard. Dans une discussion silencieuse, elle attendit son signal confirmant qu’il était prêt, prêt à peu importe ce qui les attendait de l’autre côté de la porte. En soupirant,  la blonde tourna la poignée et poussa la porte de la taverne, se laissant envahir par les cris, la musique et une odeur infeste de rhum et de vomissure. Rien pour aider le haut le cœur qui s’était emparé d’elle depuis son arrivée à Northenheim.*

- Bloody hell.

*Dans le cadre de la porte, Lenora resta figée pendant plusieurs secondes devant la scène qui avait lieu sous ses yeux. Chaises au sol (tout comme les hommes qui devaient être préalablement assis dessus), verres renversés et brisés un peu partout, sang, alcool et vomi un peu partout sur les tables et sur le bois du plancher. En quinze ans de carrière sur les navires, la Capitaine n’avait jamais même vu de calle de bateau aussi répugnante, ce qui était peu dire.

Après avoir regardé longuement son intendant, qui semblait tout aussi dégoûté qu’elle, la pirate s’aventura dans la taverne en enjambant les dépris et, occasionnellement, les corps inertes au sol.*

?: Oi! Pretty lady! Ye gonna have a drink wi’ good ol’ Collin, right?!

*Lenora releva sa main afin de cacher son nez et sa bouche pour les protéger de l’odeur nauséabonde qui se dégageait de la bouche du vieil homme, complètement saoul, qui venait de l’aborder en la retenant par le bras.*

- I’ll sadly have to pass on tha’, but I’m gonna give ye some mints. Ye need it. Ye need all o’ them.

*La capitaine fouilla rapidement dans sa poche et sortit une petite boite de bois, pas plus grosse qu’un carton d’allumettes, qu’elle posa un peu sèchement sur la table prêt de l’ivrogne. Elle n’était pas vraiment du genre à se départir de ses objets personnels, mais cette fois-ci, la survie des prochains interlocuteurs de Collin en dépendait. Sans plus attendre, elle continua son périple dans l’Astrolabe afin de rejoindre le barman – visiblement le propriétaire - qui essuyait un verre en la regardait d’une drôle de façon, visiblement méfiant. En retour, la blonde lui fit un sourire poli (et des plus sarcastique) et s’adressa à lui avec son ton le plus courtois.*

- Hello, dear sir! What a nice establishment tha’ ye have! ‘m lookin’ for David Flinn. Would ye know where he is?

*Le tenancier continua de la regarder en silence pendant plusieurs secondes, visiblement loin d’être amusé, et fini par lui pointer deux portes battantes qui semblaient cacher une autre partie du bar, probablement beaucoup plus tranquille.*

T: Ye gonna drink somethin’?
- Yer best whiske’, mate. Twice.

*Avec une tape sur le comptoir du bar, Lenora s’éloigna après avoir reçu et payer son verre et celui de Boleyn qui la suivait comme son ombre. Elle ne fit qu’une gorgée du peu de whiskey (qui était infecte, d’ailleurs) et laissa son verre sur une table vide, en chemin vers les portes battantes que lui avait désignées le propriétaire. Elle et son intendant se retrouvèrent dans une pièce plus petite, beaucoup plus sombre mais surtout, pratiquement vide à l’exception d’un homme assis sur le bord d’une fenêtre. Lorsqu’il vit la blonde entrer, David Flinn posa rudement son journal, qu’il avait eu le temps de lire et de relire plusieurs fois, sur la table. *

DF : Ye’re late. I’ve been waiting half a day here!
- That’s the punishment ye get for choosin’ this place to meet.

*La capitaine soupira fortement en s’écrasant sur la chaise devant son interlocuteur, pendant que Boleyn prenait place en silence à côté d’elle, son verre intouché à la main.*

- Blame the wind. It wasn’t in our favour.
DF: Do you have it?
- Straight to the point, eh?

*La pirate releva une main pour la porter à son cou, et serra les doigts sur une corde de cuir, différente de tous les autres bijoux qu’elle portrait autour du cou. Elle dira sèchement et durement dessus, la détachant automatiquement de sa gorge, et tendit la corde à Flinn, dévoilant par le fait même la vieille clé qu’elle cachait sous ses couches de vêtements. Elle vit les yeux de l’homme se mettre à briller lorsqu’il les posa sur l’objet pendouillant au bout du cuir.*

DF : Ye did it. Ye really did it.
- O’ course I did. Did I ever let ye down, Flinn?

*L’homme ne lui donna pas de réponse et Lenora le regarda relever la main dans l’espoir de pouvoir la refermer sur la clé. Avant qu’il ne puisse le faire, la pirate ramena l’objet vers elle et releva sa main libre pour faire un de « non » avec ton index.*

- Tut, tut, tut.

*Lenora posa sa main libre sur la table, paume vers le ciel, attendant visiblement son paiement pour le voyage insensé qu’elle avait fait afin de retrouver cette satanée clé qui avait failli lui couté son bateau et plusieurs membres de son équipage. David Flinn hocha un peu la tête et se départi, visiblement à contrecœur, de la bourse qui était cachée dans une poche intérieure de son veston. La pirate serra ses doigts sur la bourse et ne pu s’empêcher de sourire en sentant le cuir se resserrer sur des petites pierres, créant de légères bosses dans le sachet. Elle la donna à Boleyn, qui l’ouvrit dans attendre afin de vérifier son contenu. La capitaine laissa échapper un léger rire de satisfaction en regardant son intendant faire tomber quelques diamants dans la paume de sa main et les examiner pour s’assurer de leur véracité. Lorsqu’il confirma, d’un signe de tête, que tout semblait satisfaisant, la blonde lança finalement la clé à son acheteur en lui faisant un grand sourire.*

- Thank ye for yer purchase! Come back again!

*Elle posa ses mains sur la table, s’apprêtant à se lever, mais s’arrêta en plein mouvement lorsque Flinn lui posa une nouvelle question.*

DF : Why didn’t ye keep it? Ye know what it opens.
- Exactly. I know wha’ it opens. This thin’ is curse, Flinn. I would be a fool to anger the Gods the way ye’re about to.

*La blonde donna une bonne tape sur l’omoplate de Boleyn qui venait de lui redonner la bourse faisant qu’elle une pirate pratiquement riche. Enfin, jusqu’à ce qu’elle et son équipage dépense tout, bien entendu.*

DF : Don’ ye think that ye have already anger them?

*Lenora se mit à rire, tout comme Boleyn, en se rassoyant sur sa chaise. Au courant de sa vie de pirate (et même avant), elle avait défié les Dieux à plusieurs reprises, bravant les tempêtes et les adversaires qu’ils avaient pu mettre sur son chemin. Elle avait frôlé la mort à plusieurs reprises, mais s’en était toujours sortie indemne (excepté son aventure avec un monstre marin qui lui avait couté deux orteils du pied gauche).*

- I’ve challenged them, aye. But even I ain’t crazy enough to do somethin’ like that. Don’t mess with the dead, Flinn. It is never a good idea.

*Elle le regarda rire légèrement et sentit un frisson lui parcourir le dos. Le simple fait de penser à ce que David voulait ouvrir avec la clé lui donnait froid partout, et lui donna l’envie de quitter sa compagnie le plus vite possible. Flinn était réputé pour être mêlé à des histoires étranges (parfois presque incroyables) un peu partout sur Iluvies. Peu de navigateurs voulaient s’associer à lui car ses transactions, bien qu’incroyablement payantes, requéraient un brin de folie et un manque de bon sens.

Alors qu’elle s’apprêtait à nouveau à se lever, la main de son interlocuteur retint son avant-bras sur la table, l’empêchant d’aller plus loin.*

DF : There’s somethin’ else.
-What now?
DF: Ye have heard of Zephyr, haven’t ye?

*La pirate fronça les sourcils en regardant David comme s’il venait de lui lancer l’insulte la plus méchante qu’il aurait pu faire.*

- Of course I have. Like every soul on this fuckin’ world.
DF: I know where it is.

*Sur ses paroles, Lenora éclata de rire au visage de son acheteur. Elle s’adossa sur sa chaise en posant une main sur son ventre, n’ayant pas ri aussi fort depuis un bon moment. Elle avait confiance que les Dieux existaient et qu’il y avait une force quelconque dans le monde (bien que beaucoup de gens n’y croyait plus), mais l’existence d’une voile qui permettrait aux bateaux de voler sans l’aide d’aucune technologie? Elle n’était pas stupide.*

- It’s a bloody legend!
DF : Like this?

*D’un geste habile, il sortit un jonc de sa poche et le posa sur la table, près de lui, ne faisant visiblement pas entièrement confiance à la blonde. Le rire de Lenora  cessa immédiatement lorsqu’elle reconnut le bijou. Il était simple, à l’exception des quelques gravures bien distinctes qui faisait de lui une pièce unique, et il ne lui avait fallu qu’une fraction de seconde pour le reconnaitre, ayant vu de nombreuse représentation de la bague dans les vieux livres. Lentement, elle releva son regard sur Flinn et plissa légèrement les yeux, cherchant à lire en lui.*

- I don’t believe ye.

*Sans un mot, le collectionneur enfila la bague après avoir déganté sa main, et approcha celle-ci du verre de Boleyn sur la table. Lorsque sa peau entra en contact avec le verre, la surface en contact avec le doigt se transforma pour devenir plus opaque et s’étendit sur le verre jusqu’à ce que celui-ci soit complètement transformer. Lenora regarda la scène ébahie et relâcha le souffle qu’elle n’avait pas remarqué qu’elle retenait. La main légèrement tremblante, elle toucha légèrement le gobelet avant de retirer rapidement sa main, comme si elle venait de se brûler. *

- Is it real gold?
DF : I can assure ye i’ is. I’m not lyin’, Lenora. I know where Zephyr is, as long as many other treasures. Bring me with ye, leave me the other goods, and the sail is yours.

*La capitaine garda le silence pendant plusieurs secondes, n’en croyant ni ses yeux, ni ses oreilles. Elle toucha à nouveau le verre en or avant de le prendre dans sa main et de tester le métal, puis se mit à rire à nouveau, un rire visiblement légèrement nerveux. Les légendes étaient-elles toutes vraies? Si un anneau pouvait créer de l’or, qu’est-ce qui l’empêchait maintenant de douter de tout ce qu’elle pensait savoir à propos de son monde? Après plusieurs secondes de réflexion, la blonde releva les yeux vers Flinn, le coin de ses lèvres remonté en un sourire arrogant.*

- Be ready to leave in a week.